Chaque mois, de nouveaux objets de décoration inondent les magasins. Ils sont élégants, épurés… mais aussi froids et impersonnels. Qu’il s’agisse de sculptures animales, de bustes ou de silhouettes abstraites, les couleurs sont souvent neutres : noir, doré, blanc. Aucun regard, aucune expression. Ces objets sont conçus pour s’intégrer sans heurter dans n’importe quel intérieur, mais à quel prix ? Celui de l’originalité.
Résultat : nos espaces finissent par se ressembler, privés d’identité et d’émotion.
Face à cette uniformité, j’ai voulu proposer autre chose. Redonner de la singularité à ces objets standardisés, les transformer en pièces uniques, habitées par une histoire et une âme.
Ma démarche commence là où s’arrête la chaîne de production. Je ne crée pas la sculpture elle-même, je pars d’un objet existant, un produit anonyme trouvé en magasin, façonné pour être neutre. C’est justement cette neutralité qui m’attire : elle représente une toile vierge, un point de départ pour une transformation radicale.
Certains travaillent les Playmobils et autres sculptures pop, moi ce sont les animaux qui m’inspirent le plus. Lorsque je sélectionne une sculpture, je ne vois pas seulement ce qu’elle est, mais ce qu’elle peut devenir. Un simple gorille de décoration peut se métamorphoser en gardien mystique, telle une créature onirique. D'un même cavalier d'échecs, vous verrez en fin d'article que j'ai pu créer plusieurs œuvres, chacune ayant son identité. Cette réinterprétation passe avant tout par la couleur. Je choisis des palettes vibrantes et inattendues. Pourquoi un cheval ne pourrait-il pas être bleu électrique ? Parfois aussi, je joue avec la réinterprétation, le transformant par exemple en zèbre pour un esprit savane.
Après avoir défini l’histoire que je veux raconter, vient l’étape du geste. Je commence par recouvrir l’œuvre d’un camaïeu de couleurs via mes bombes aérosol pour donner le ton de mon projet.
Passé cette étape, je passe au dripping, une technique qui me permet d’introduire une part d’aléatoire dans mon travail. Cette méthode, héritée de l’expressionnisme abstrait et popularisé par Pollock, consiste à laisser la peinture couler, s’étendre, se mélanger librement sur la surface. Là où l’objet industriel est figé, le dripping lui insuffle une nouvelle énergie, imprévisible.
Ce contraste est essentiel : il me permet de briser la rigidité du produit manufacturé. Les couleurs explosent, s’entrechoquent et transforment la pièce en un objet vivant.
Il manque encore quelque chose pour que l’œuvre prenne vie : son regard. C’est la dernière étape, mais aussi la plus cruciale. En peignant les yeux d’un animal, je lui donne une présence, une personnalité. À ce moment précis, la sculpture cesse d’être un simple élément de décoration. Elle devient un être imaginaire, porteur d’une histoire propre.
Avec cette démarche, mon objectif est clair : montrer qu’un objet produit en série peut être sublimé, transformé en œuvre d’art. La décoration intérieure ne devrait pas être une répétition de modèles vus et revus. Elle peut, au contraire, être un terrain d’expression personnelle, un espace où chaque pièce raconte une histoire.
Ainsi, en passant par mon petit atelier situé à Montrabé, l’industriel devient singulier. Chaque sculpture est une invitation à réenchanter nos intérieurs, à refuser l’uniformisation pour réintroduire du rêve et de l’émotion dans notre quotidien.